C’est lors du dix-neuvième impact de la Japan Expo que nous avons eu la chance de rencontrer les auteurs du manga français qui fait sensation ces derniers temps, Horion. Nous leur avons donc poser des questions sur leur expérience en tant qu’auteurs de manga en France ainsi que sur leur vision du manga en général.
Que pensez-vous du marché du manga français ? Avec l’adaptation animée de Radiant prochainement et l’émergence d’auteurs français, pensez-vous que le manga français a enfin l’attention qu’il mérite ?
Malgré l’engouement inattendu pour Horion, je ne peux décemment pas dire du manga français qu’il a aujourd’hui l’attention qu’il mérite. D’une part parce que, du coté des lecteurs, il reste insignifiant en comparaison du manga japonais. Mais aussi parce que, du coté des éditeurs, il y a encore cette hantise, tout à fait compréhensible, du manga hybride pas franchement français et maladroitement japonais, qui ne trouvera son public ni chez les lecteurs de BD, ni chez les lecteurs de mangas.
En parlant de ça, trouvez-vous que le public français boude plus qu’il ne devrait les mangas français, sous prétexte que si ça n’est pas japonais, ça n’est pas bon ?
La plupart des auteurs de manga français que j’ai croisés ne lisent pas de mangas français. Comment leur en vouloir ? Il faut se souvenir que l’âge d’or du manga japonais a eu un fort impact sur notre pays. De nombreux éditeurs ont senti l’engouement du public et se sont empressés d’en profiter. On s’est retrouvé avec des auteurs de BD qui agrandissaient les yeux de leurs personnages pour surfer sur la vague. Le résultat était aussi esthétique que les noms qu’on lui donna : manfra, franga, etc. Difficile aujourd’hui de faire disparaître ce traumatisme chez le lectorat.
Pensez-vous que pour attirer plus de lecteurs pour les oeuvres françaises, il faudrait se calquer sur les systèmes de pré-publications américaines et japonaises (pour citer les deux plus grands producteurs de bandes dessinées avec la France et la Belgique) ?
Oui et non. Je ne crois pas à la prépublication papier, mais je crois à la prépublication digitale. Je pense qu’aujourd’hui il faut aller chercher le lectorat. Et ce lectorat, il est sur Internet quand il n’est pas devant son smartphone ou sa console. J’imagine que la dernière console de Nintendo, surtout dans sa version nomade, ferait un bon support de promotion pour de futurs titres.
Enaibi a un style « plutôt japonais » notamment dans le design de ses personnages. Elle faisait même des fanarts auparavant comme ceux de Yu Yu Hakusho. Qui sont donc ses principales sources d’inspiration ?
Enaibi a commencé par dessiner dans des fanzines au moment de l’apparition des premiers salons dédiés au mangas. Elle réalisait un manga mettant en scène des versions humaines des personnages issus de l’univers de Sonic The Hedgehog. Ce qui explique sans doute en partie la couverture du tome 01 d’Horion avec Koza (Sonic) et Valyu (Knuckles) courant vers nous. Elle ne s’est jamais focalisée sur un auteur en particulier, mais comme moi, elle a admiré des dizaines d’artistes très différents. J’ai pour habitude de dire qu’Horion s’inspire de tout et de n’importe quoi. Surtout de n’importe quoi, d’ailleurs.
Est-ce difficile de gérer le dessin seule ou bénéficie-t-elle d’aide comme des assistants pour les décors, etc… ?
Elle fait tout toute seule, à mon grand regret. Elle a bien essayé de confier une ou deux planches à un décorateur, il me semble, mais je pense qu’elle a encore du mal à déléguer son travail à d’autres. C’est un peu le rêve de l‘artiste de vouloir tout faire tout seul. Mais pendant que l’artiste rêve, le lectorat s’impatiente. Avoir des assistants, c’est une nécessité dans le domaine du manga. Mais les structures actuelles ne facilitent pas la démarche. Les éditeurs pourraient améliorer la situation, mais pour cela, ils devront faire l’effort d’investir davantage dans chaque titre.
Votre manga est très shonen mais on sent que vous souhaitez prendre à contre pied les clichés qui régissent ce genre. Quel est donc le message, le sentiment que vous souhaitez faire passer aux lecteurs ?
Je n’ai pas de messages précis à faire passer mais je crois que j’adorerais insuffler un peu de ce courage qui nous incite à dépasser nos certitudes, nos habitudes et notre condition. Du coup, si je me contentais d’appliquer les formules approuvées et éprouvées sans prendre le risque de troubler le lectorat, je contredirais mon propre récit.
Aviez-vous ou avez-vous encore des appréhensions quant à l’avancée du manga ?
Pas vraiment. À vrai dire, je n’en fais qu’à ma tête depuis le début et ma seule appréhension c’est d’avoir à justifier mon besoin de liberté. Mais sur ce plan là, je n’ai pas à me plaindre. Les éditions Glénat m’accordent leur entière confiance, et de mon coté, je fais tout pour qu’ils n’aient pas à le regretter.
D’ailleurs, avez-vous une idée globale du nombre de tomes que vous souhaitez faire ou êtes-vous portés par l’inspiration au fur et à mesure ?
Je n’écris pas sans savoir où je vais. J’en suis incapable. La fin est déjà prévues et les grands moments sont planifiés En revanche, le chemin pour relier tout ça n’est pas gravé dans le marbre. Je m’accorde de rajouter du récit ou d’en enlever à tout moment. Je planifie mais je ne fige rien. Avec les années, de nouvelles idées peuvent germer pour supplanter les anciennes, et je ne me vois pas mettre en scène un jour, sans le repenser entièrement, un texte écrit il y a plus de 2 ans.
Comptez-vous, par la suite, vous lancer dans une nouvelle oeuvre ?
Actuellement Horion m’obnubile complètement mais j’ai beaucoup d’autres idées en attente. J’avoue que je ne suis pas contre l’idée travailler avec d’autres dessinateurs, ne serait-ce que pour réaliser plusieurs dossiers et les soumettre à différents éditeurs.
Glénat est l’un des éditeurs qui offre le plus de chance aux jeunes auteurs. Comment s’est passé votre rencontre avec l’éditeur ? Est-ce vous qui les avez approché ou inversement ?
Nous avons envoyé notre dossier à plusieurs adresses, et nous avons eu la chance d’être immédiatement remarqué par une personne très compétente chargée de rencontrer différents éditeurs
1 commentaire
Horion est un manga vraiment prometteur, je prie pour que le 3ème tome soit accepté et édité !