- Auteur : Asano Inio
- Genre : Science-Fiction, Slice of Life
- Éditeur : Kana
Synopsis : Depuis 3 ans, le ciel de Tokyo est recouvert par un gigantesque vaisseau spatial extra-terrestre. Pourtant, aucune attaque de la part des extra-terrestres n’est recensée bien que les humains abattent, avec une facilité déconcertante, les petits vaisseaux qui sortent de temps en temps du ventre de l’immense engin… Pendant ce temps, sur Terre, les deux amies Kadode et Ôran, comme la majorité des humains, ne prêtent plus attention à ce vaisseau et continuent à vivre leur vie. Mais ces 3 années de paix ont endormi la vigilance de l’Humanité… Elle ne remarque pas que « l’envahisseur » s’est infiltré au sein de sa population. Et il pourrait bientôt troubler leur paisible quotidien !
Connu pour ses œuvres très réalistes et dépeignant le quotidien de ses personnages, Asano est un véritable génie lorsqu’il s’agit de faire de la vie la plus banale une œuvre d’art et une aventure à vivre. Avec des œuvres comme Bonne nuit Punpun, Solanin ou encore La fille de la plage, il n’a plus à prouver à personne quant à ses qualités de scénariste. Mais voilà, après toutes ces œuvres, toutes aussi réussies les unes que les autres, l’auteur s’essaie à un nouveau genre : la science-fiction. Alors, défi relevé ?
Asano est un auteur très terre à terre qui privilégie toujours l’aspect réaliste afin de faire ressortir ses personnages qui, bien que très banals dans leur aspect, se révèlent toujours être de véritables mine d’or. Ceci est souvent la cause de leur humanité que l’auteur transpose de façon très simple, sans jamais en faire trop. C’est ainsi que dans Dead Dead Demon’s Dededededestruction, il balaie tous ses codes et nous propose un nouvel univers bien particulier.
En effet, bien que l’intrigue se déroule au pays du Soleil Levant, Asano semble réellement recréer le Japon ainsi que le monde, ou plutôt les remodèle afin de construire un entre-deux. Toujours dans cette optique de dépeindre une classe de personnes, ici les jeunes, il ne peut s’empêcher de garder une part de réel qui lui tient tant à cœur mais se doit de la casser avec l’arrivée d’OVNI. A plusieurs reprises, il combine différentes syllabes afin de créer de nouvelles onomatopées donc de nouveaux qu’il fait figurer sur toute la planche, désignant des sons inconnus, accentuant la sensation d’un nouveau monde, d’une terre inconnue. Plus qu’une forme de destruction ou synonyme d’apocalypse, les aliens semblent être l’espoir qu’attend chacun.
Outre l’univers qui, sous ses apparences d’invasion extraterrestre, se veut bien plus oppressant, les héroïnes sont indéniablement le point fort de l’œuvre. Kadode et Ôran sont parfaitement bien écrites, comme si l’auteur les connaissait depuis toujours. La première, Kadode est l’exemple parfait de la lycéenne, en proie à l’âge adulte. Prisonnière entre sa sensation de vide et sa fougue lorsqu’il s’agit d’être avec Ôran, la jeune fille se révèle être bien plus mature que la plupart des filles de son âge. Cette maturité se traduit par une situation familiale plutôt précaire comme le montre Asano lorsqu’il fait un bond dans le futur mais aussi par son entourage scolaire entre un professeur blasé dont elle est amoureuse ou encore du fossé qui la sépare d’Ôran. Cette dernière, au contraire, est le strict opposé tout en étant très similaire de Kadode. Similaire car tout comme cette dernière, elle ressent un profond vide mais l’exprime d’une manière totalement différente. Là où Kadode se réfugiera auprès de ses rêves, qui démontrent bien qu’elle reste une enfant malgré tout, Ôran laisse parler son cœur et suit son instinct. Lorsque l’une intériorise sa sensation de vide, l’autre l’extériorise. C’est cette opposition qui permet donc de créer une alchimie parfaite entre les deux lycéennes. Ne pouvant se passer l’une de l’autre, c’est un duo qui se complète bien que leurs personnalités diffèrent, elles sont l’exemple même de la jeunesse d’aujourd’hui, perdue et rêveuse.
Malgré plusieurs œuvres à son actif et ses talents de dessinateurs démontrés à de nombreuses reprises, Asano n’en finit pas de nous surprendre grâce à son coup de plume. Les décors sont extrêmement bien travaillés, notamment lors de l’apparition des vaisseaux. Les détails sont incroyables et épatent au premier coup d’œil. Comme à son habitude, hors les dialogues et la narration, les planches en elles-mêmes racontent une histoire, chaque plan, chaque rue, chaque objet, chaque personnage a une importance. Ces derniers sont tous uniques, notamment Ôran qui se démarque grâce à son chara-design plus original et qui sortent des habitudes de l’auteur. Ses yeux et sourcils tombants, ses cheveux virevoltants, son air blasé en font un personnage incontournable et elle permet ainsi de sortir son épingle du jeu.
Dead Dead Demon’s Dededededestruction se traduit donc comme étant la nouvelle pépite d’or d’Asano. Sortant de son cocon où il était si bien, l’auteur prend des risques en s’aventurant vers de nouveaux horizons, lui permettant ainsi de s’enrichir et évoluer en tant que mangaka, ce qu’il réussit parfaitement bien. Il balaie le tout d’un revers de main mais s’arrête in extremis avant de tout faire tomber par terre car oui, Asano reste Asano et il continue toujours de faire passer un message au travers de ses œuvres et DDDD n’échappe pas à la règle. Hommage aux nombreuses catastrophes que le Japon a dû essuyer ? Quoi qu’il en soit, Asano relève le défi haut la main et on espère que le tome 2 soit tout aussi bien que le premier.