- Auteur : SAMURA Hiroaki
- Genre : Drame, Historique, Slice of Life
- Éditeur : Casterman
Synopsis : Après le manga de sabre (L’Habitant de l’infini), le thriller historique (Snegurochka) et la science-fiction (Halcyon Lunch), découvrez le western revisité par Hiroaki Samura. Règlement de comptes, chasseurs de primes et fines gâchettes sont au programme de ce récit d’une vengeance à la noirceur savamment orchestrée. L’aventure ne s’arrête pas là. Drame familial, comédie lycéenne ou encore fantaisie historique: Emerald est un florilège qui fait la démonstration éclatante de l’inspiration inépuisable, la virtuosité graphique et la science du rythme d’un auteur incontournable.
Entre deux séries ou chapitres, les auteurs aiment s’évader de leur confort et s’aventurer dans de nouveaux genres, se libérer de leur œuvre phare. C’est le cas de Hiroaki Samura qui a écrit beaucoup de petits récits, initialement publiés dans le magazine de prépublication Afternoon, qui ont plus tard été regroupés sous le titre Sister Generator. Il arrive alors en octobre en France chez les éditions Casterman sous le nom Emerald et autres récits et c’est un pur bonheur.
Composé de six histoires différentes, Samura, surtout pour son œuvre L’Habitant de l’Infini chez nous, démontre à nouveau qu’il parvient à maitriser des univers diversifiés. Là est la principale force de ce recueil, chaque histoire est unique, si ce n’est deux qui ont quelques légères similitudes mais les contextes sont très différents. D’une histoire où le cadre du far-west est le principal décor à une autre qui s’installe au XXe siècle à Paris, chacun de ces récits se veut unique. Ainsi, l’auteur offre un voyage au lecteur en l’espace d’un volume. C’est un bon moyen pour Samura de nous montrer l’étendue de son imagination mais aussi d’exploiter son talent de dessinateur.
En effet, il a un véritable don pour le graphisme et on le ressent. Avec son style très crayonné qui donne parfois l’impression d’être face à un croquis, Samura crée un véritable impact sur chacune de ses planches. Les décors, notamment pour l’histoire Emerald, au far-west, met un point sur l’action bien qu’elle ne soit pas abondante. Lors des scènes d’action, les traits se veulent plus vifs et plus rugueux. Le découpage s’adapte aux histoires, pour des récits plus classiques et slice of life, le rythme est plus lent tandis que dans les histoires plus portés sur l’action, le rythme est soutenu.
Les one-shot se succèdent mais celui qui marque véritablement est celui du Grand Show de la famille Kuzein. Il conte l’histoire d’une jeune fille et de son père dans une ambiance SM. Incroyablement dérangeant mais tout autant captivant, Samura construit le parfait mélange le glauque et le beau, créant ainsi une ambiance très malsaine. Il tisse parfaitement bien chaque intrigue afin de donner une certaine tension et un suspense inattendu. D’autres histoires, notamment celles de Sachi et Nyûko, qui ont la particularité de s’étaler sur plusieurs chapitres au sein du tome, proposent une approche plus direct avec le lecteur. Dans un cadre moderne, on suit le quotidien de deux lycéennes qui discutent sur plusieurs sujets, allant de la gastronomie à la politique, en passant par la religion, elles ont des avis intéressants sur chacun de ceux-ci. Alliant l’innocence de leur jeunesse avec leur spontanéité, on découvre des points de vue très différents de ce que l’on pourrait avoir normalement, c’est-à-dire d’experts de chaque milieu. Ces récits sont très actuels et ancrés dans notre société, bien qu’ils concernent essentiellement la société japonaise, on se reconnait sur certains points.
Samura mêle donc des thèmes très sensibles comme le voyeurisme, l’enlèvement, l’argent ou encore le sexe pour créer chacun de ces one-shot. Le tout est si bien amené qu’il ne parait pas vulgaire mais tout simplement étrangement fascinant. Rien n’est gore ou violent graphiquement mais certaines des pages frappent par leur beauté et leur façon de rendre gracieux quelque chose d’horrible. Ceci profite à chacun des personnages qui sont en grande partie bien travaillés. Cependant, dans certains récits, un flou s’installe tant l’auteur axe son histoire sur le non-dit et les métaphores. D’un côté, ça sert à embellir les scènes, les relations, voire-même les personnages eux-mêmes, leur offrir une écriture plus profonde et complète. D’un autre côté, cela rend juste la lecture plus désagréable, on est obligés de relire plusieurs fois certains passages pour vérifier si l’on a bien compris et ça casse parfois le rythme.
Emerald et autres récits se révèle donc comme étant un excellent recueil d’histoires jonchant entre dramatique, humoristique et intrépide. Il est doté de plusieurs niveaux de lectures qui sauront ravir une grande palette de lecteurs. Samura parvient à gérer les registres tout en restant cohérent ce qui facilite la lecture. On en redemande !