- Auteur : KITANO Eiichi
- Genre : Drame, Historique
- Editeur : Glénat
Synopsis : 1849. L’Irlande est décimée par la Grande Famine, qui a coûté à Amelia et Conor leurs familles et leur ferme. Les deux adolescents errent dans la campagne et fouillent des cadavres pour subsister, avec un seul projet en tête: émigrer aux États-Unis d’Amérique et prendre part à la ruée vers l’or en Californie, qui vient de commencer. Après les épreuves qu’ils ont endurées, et surtout la mort terrible du jeune frère de Conor, ils pensent ne pouvoir trouver le bonheur qu’en devenant riches à millions et en se mettant ainsi à jamais à l’abri du besoin. Parviendront-ils à réaliser ce rêve américain, malgré les nombreux obstacles qui se mettent en travers de leur chemin ?!
Malgré les difficultés qu’elle a pu rencontré, Glénat ne cesse de nous gâter en 2020. Entre les sorties de Shadows House, Ashidaka ou encore le coffret collector de Berserk, la rentrée littéraire est des plus plaisantes chez l’éditeur. Cette fois-ci, on se rend du côté de la Shueisha, avec un manga qui est prépublié dans l’Ultra Jump, magazine qui publie entre autre Jojolion, la huitième partie de Jojo’s Bizarre Adventure. Glénat a eu le nez fin et s’est emparé du troisième titre d’un jeune mangaka en herbe, L’oxalis et l’or. En effet, Kitano a déjà deux séries à son actif mais c’est celle-ci qui a tapé dans l’œil de l’éditeur et on vous dit pourquoi !
L’histoire nous entraîne à la fin du dix-neuvième siècle, en Irlande où l’on suit Amelia, une jeune fille de quatorze-ans qui a tout perdu, de la ferme familiale jusqu’à sa famille. Tout, sauf son serviteur, Conor qui la suit aveuglément partout. L’objectif d’Amelia est simple : partir aux Etats-Unis afin de devenir riche.
Si l’intrigue tient sur un bout de papier, ne vous détrompez pas, c’est amplement suffisant pour captiver. Dès les première pages, Kitano nous met tout de suite dans l’ambiance avec des paysages déserts, des terres dévastées, une absence de population, décimée par la grande famine qui a frappé le pays. On ressent tout de suite le travail de recherche qu’a dû effectuer l’auteur. La grande famine en Irlande est un événement qui a duré quatre ans et a causé plus d’un million de morts, ce qui a complètement changé la face du pays. Le ton est tout de suite donné, la lecture ne sera pas des plus simples. Le lecteur fait face aux conditions très compliquées dans lesquelles les irlandais vivaient, que ce soit lorsqu’il s’agit de se nourrir ou bien de dormir. Kitano, à travers le voyage qu’entreprennent Amelia et Conor, montre même les conditions de vie dans les bateaux que prenaient les irlandais pour fuir le pays. Ils étaient entassés dans les cales qui étaient atrocement sales et la plupart d’entres eux, ne virent jamais les côtés américaines, n’ayant pas survécu au voyage. Il prend donc le temps de nous planter un décor historique, nourri grâce à ses recherches.
Le récit est véritablement dur puisqu’il témoigne d’une période historique qui n’est, finalement, pas si éloignée de notre siècle. Bien que le support de départ ne soit pas des plus joyeux, ce qui fait la force de ce manga, c’est clairement le duo de personnages. Amelia et Conor forment la paire et sont inséparables. La jeune fille est une véritable pile électrique et transpire l’espoir et le courage. Elle a un objectif bien défini en tête et ne cesse de sourire et de garder la tête haute. Elle qui a toutes les raisons de broyer du noir et de se laisser abattre refuse son destin et tente de se construire un futur radieux. On le remarque bien vite comme lorsqu’elle doit faire face à la mort d’un jeune homme avec qui elle a noué une amitié durant la traversée de l’Océan Atlantique. Ayant eu à vivre beaucoup de deuils, elle connaît plus que bien le sentiment de perdre un proche. Malgré cela, elle ne se laisse pas miner le moral bien longtemps ; la conquête de l’or ne se fera pas seule ! Pour cela, elle est accompagnée de Conor, un jeune homme plutôt bien bâti et qui pourrait effrayer à première vue mais qui, en réalité, est un vrai nounours, notamment avec Amelia. Sous son physique de grosse bute se cache un homme docile qui obéit au doigt et à l’œil à sa maîtresse, comme il aime bien l’appeler. Il est avec elle depuis toujours et même si la famille d’Amelia n’est plus, il reste auprès d’elle et ne la quitte jamais. Comme dit plus haut, c’est un duo qui fonctionne du tonnerre grâce à son côté très atypique. Une adolescente toute menue qui mène à la baguette un grand gaillard, ça court pas les rues !
Le style de Kitano frappe tout de suite et rappelle celui de Tite Kubo à l’apogée de son art. Les visages sont fins et les personnages sont tous beaux. Il parvient à nous faire ressentir l’horreur de la famine, notamment lorsqu’il dessine Amelia, la peau sur les os. Les décors sont par contre plus fournis que ceux du créateur de Bleach (ouch, c’était gratuit, ça…). Dans tous les cas, le trait de Kitano est propre et ajoute un plus à cette série qui cumule déjà pas mal de points positifs. On regrette cependant que l’intrigue se développe aussi vite et on aurait aimé en voir un peu plus, au niveau de l’Irlande puisque nos héros embarquent dans le bateau dès le milieu du tome. On se doute que maintenant qu’ils sont arrivés sur le continent américain, on ne reverra pas de si tôt l’Irlande et c’est plutôt dommage. Peut-être aurait mieux fallu faire tourner ce premier volume autour de la misère irlandaise pour ensuite, à la fin, propulser les protagonistes vers le Nouveau Monde ?
Quoi qu’il en soit, L’oxalis et l’or est la nouvelle pépite des éditions Glénat et on trépigne d’impatience à l’idée de lire la suite. La fin de ce premier tome est des plus haletantes et le preview du prochain que l’on a dans les dernières pages, ne nous annoncent rien de bon pour les irlandais. Après les compliments de Makoto Yukimura (Vinland Saga), Satoru Noda (Golden Kamuy) et des Illuminati, franchement, vous devriez foncer !