- Auteur : So-ma-to
- Genre : Fantastique
- Editeur : Glénat
Synopsis : Emilico est une poupée vivante au service de Kate, une jeune fille appartenant aux Shadows, famille d’ombres sans visage. Dans le vaste manoir familial, le travail d’Emilico se limite pour le moment à nettoyer la suie projetée par sa maîtresse… Mais au fil des rencontres, elle découvrira le monde dans lequel elle vit, commencera à s’interroger sur le sens de son existence et se liera d’amitié avec son entourage… Cependant, une poupée doit-elle avoir une conscience ?
Inconnu sur nos terres françaises, Somato est un duo de mangaka qui a déjà fait ses armes dans des anthologies sur des licences populaires comme Mahou Shoujo Madoka★Magica et The iDOLM@STER. Mais c’est avec Kuro qu’ils s’établissent vraiment au sein du Tonari no Young Jump, un des magazines de prépublication de la Shueisha. La série s’étant finie en trois tomes en 2016, ce n’est que deux ans plus tard qu’ils reviennent, cette fois-ci dans le Young Jump avec leur nouveau titre, Shadows House.
Si Kuro avait déjà posé les bases de l’univers qu’affectionnait le duo, Shadows House le solidifie. Une petite fille toute mignonne, un grand manoir, des créatures étranges et une pincée de fantastique, voilà la recette parfaite pour nous offrir un manga aussi adorable qu’intriguant. Les premières pages nous plongent tout de suite dans une atmosphère particulière. On se retrouve dans le quotidien d’Emilico, une petite fille qui est une « poupée vivante » et dont le rôle est de servir de visage à sa maîtresse, Kate, une jeune noble dont le corps est entièrement invisible. Elle doit donc se plier en quatre pour satisfaire les désirs de la jeune demoiselle tout en prenant soin de ne pas la contrarier. En effet, lorsque ces ombres étranges sont en proie à une émotion négative, de la suie émane de leur corps et comme on peut s’en douter, Emilico va (très) souvent être la cause des sautes d’humeurs de Kate.
Ce n’est pas avec le premier tome que l’on apprend énormément de choses puisqu’il s’agit plutôt d’une grosse introduction. On suit le quotidien d’Emilico, nous permettant ainsi de se familiariser avec ce manoir qui est régi par des règles étranges. Si le premier volume se présente avec des chapitres qui sont presque de l’ordre de l’épisodique, cela n’en rend pas moins la lecture intéressante. On fond littéralement devant la bouille d’Emilico et suivre ses aventures dans le manoir est très plaisant. So-ma-to arrive habilement à nous donner envie d’en savoir plus sans trop en révéler non plus et nous force à nous lancer sur le second tome, tout de suite après avoir fini le premier. Celui-ci creuse déjà beaucoup plus les premières intrigues qui avait été parsemées dans le précédent volume. On découvre plus de personnages et le mystère autour des nobles et des poupées s’accentue. L’univers se développe donc, nous permettant d’aller au-delà de la chambre de Kate et de celle d’Emilico qui étaient les lieux principaux du premier tome.
Emilico étant une nouvelle poupée, elle ne connait pas grand chose du monde qui l’entoure et a besoin d’être éduquée. Cela sert, certes, le récit mais aide également le lecteur à mieux accrocher à l’histoire. Tout comme Emilico, nous ne savons pas lire l’alphabet de cet endroit qui semble coupé du reste du monde. Nous ne connaissons pas non plus le règlement, la raison pour laquelle les résidents du manoir sont des ombres et encore bien d’autres mystères. On avance alors au rythme de cette poupée qui est plus qu’attachante. Son duo avec Kate fonctionne très bien tant les deux sont l’opposé l’une de l’autre. Emilico est pleine de vie, joviale, naïve et toujours là pour aider les autres tandis que Kate est plus réservée, triste et solitaire compte tenu du mal qui la ronge. Elle semble avoir du mal à vivre avec cette espèce de malédiction dont elle est victime. Cependant, aux côtés d’Emilico, elle y trouve plus qu’une simple servante destinée à exécuter ses ordres. Plus qu’un miroir, elle y voit une amie sur laquelle elle peut compter.
L’ambiance digne d’un conte aux allures gothiques fonctionne plus que bien pour sublimer le style des auteurs. Les traits d’Emilico jure avec les autres personnages tant son visage est rond et plein de vie. Par le biais de leur patte graphique plus que prononcée, ils parviennent à créer un contraste, notamment entre les poupées et leur maître. On a ainsi des personnages dont les traits seront plus durs s’ils sont auprès du noble qu’ils servent, tandis que lorsqu’ils sont avec les autres poupées, leurs traits s’adoucissent, tout comme leur personnalité. La maîtrise des tons est également très importante et finement utilisée. La couleur noire jouant un rôle capital au sein du récit, So-ma-to jongle entre les aplats de noir pour créer les corps des nobles ainsi que des trames pour la suie. Plus que d’écrire un récit intriguant, il s’agit également pour le duo de créer un équilibre graphique notamment lorsque Kate et Emilico sont sur une même planche, ce qui arrive souvent. On a d’un côté le côté sombre de la demoiselle et de l’autre, la lumière qui émane de la servante, aussi bien grâce à son physique avec ses cheveux blonds et son grand sourire que par son caractère purement candide et doux.
Vous l’aurez compris, on est plus que convaincu par ces deux premiers volumes de la nouvelle petite pépite de Glénat. Certes, le premier prend son temps mais cela vaut clairement le coup et on ne regrette pas de s’être lancé dans un récit aussi étrangement intriguant. On salue le travail éditorial de Glénat qui est impeccable. Les traces de suie sous la jaquette accentue l’aspect immersif. Bref, c’est un grand oui pour nous et on compte les jours avant de pouvoir retourner au Manoir des Ombres le 2 septembre prochain !