- Auteur : Tang XIAO
- Genre : Drame, Tranche de vie
- Editeur : Kana
Synopsis : Yang Hao, 10 ans, partage son temps entre l’école et les inévitables compositions à rédiger, ses copains, avec qui il joue aux jeux video, et sa vie à la maison. Il est à l’âge où l’on fait des choses dont on n’est pas toujours fier et dont on aimerait se repentir. L’âge où l’on fait des rencontres que nos parents n’apprécient guère.
Son père, absent depuis de long mois pour son travail, est enfin de retour à la maison. Ce père qui va venir le chercher après les cours, celui qui va le protéger des plus grands, celui qui va le comprendre…Du moins, c’est ce qu’imaginait Yang Hao. Mais les choses vont prendre une autre tournure. Une dernière rédaction, avec pour thème « décrivez votre père » va être l’occasion pour lui de se confronter à la réalité. Faire descendre de son piédestal son père pour s’en construire un « idéal » fait de ses rencontres.
Après avoir accueilli Ma vie en prison en mars dernier, la collection Made In de Kana nous propose en septembre, leur nouveau titre coup de poing, L’enfant ébranlé. Il a pour but de mettre en lumière des récits plus matures avec un trait graphique unique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Ce qui est intéressant, c’est que Kana souhaite mettre l’accent sur les artistes asiatiques en général et non pas uniquement les japonais. C’est pour quoi, pour ce nouveau one-shot de la collection, c’est l’auteur Tang Xiao qui est mis à l’honneur avec une oeuvre unique.
L’intrigue suit la vie de Yang Hao, un jeune écolier tout ce qu’il y a de plus banale, à un détail près : il est très doué pour l’écriture, si bien que sa maîtresse l’encense à chacune de ses rédactions. L’auteur nous plonge donc dans le quotidien d’un enfant qui grandit entre un père addict au mah-jong, une famille qui se décompose de plus en plus et une confrontation plus que direct avec le monde des adultes. Ce qui est poignant, c’est la simplicité avec laquelle Xiao dépeint la vie ordinaire d’un petit garçon. On suit exclusivement le point de vue de celui-ci, ce qui permet de voir le monde à travers ses yeux, ceux d’un écolier de dix ans. Yang Hao est à un âge où l’on se questionne sur tout ce qui nous entoure, aussi bien notre entourage que sur les relations en général. Ses peurs, ses succès, ses moments de bonheur, ses inquiétudes, l’auteur nous entraîne dans le tourbillon des émotions d’un gamin et on en ressort bouleversé. En lisant le manhua, on est transporté par la nostalgie, on se met à la place de Yang Hao et même si nous n’avons pas tous eu les mêmes expériences, on a tous eu des questions à un moment donné, redouté une note à l’école ou bien, tout simplement, fait des bêtises avec nos amis. Ici, Xiao met l’accent sur une période de la vie qui nous a défini en tant qu’adulte : l’enfance.
Yang Hao n’a rien de particulier, si ce n’est son talent pour les rédactions. Il s’agit d’un enfant banal ce qui permet de s’identifier plus facilement à lui. L’auteur ne semble pas avoir souhaité en faire un garçon qui pourrait servir de modèle à d’autres petits garçons mais il a plutôt opté pour représenter ces petits garçons en question, ceux qui cherchent quelqu’un en qui croire. On le voit très bien lorsque Yang Hao s’attache de plus en plus à un jeune délinquant, le prenant ainsi pour modèle après l’échec que ça a été avec son père. Il se rendra vite compte qu’il ne sert à rien de vouloir ressembler à des personnages qui n’ont rien à avoir avec soi-même.
Le fait que le protagoniste écrive beaucoup de rédactions est un excellent moyen de mieux le comprendre puisque c’est dans ces moments-là qu’il laisse parler son cœur. Ainsi, lorsqu’il doit rédiger une rédaction sur son père, sa vision du monde change une nouvelle fois. Il observe celui qui a toujours été la figure masculine pour lui et se réalise l’importance de certaines choses comme l’amour que lui a toujours portée son père.
Ce qui est tout de suite percutant avec L’enfant ébranlé, c’est bien évidemment son style graphique. Juste en regardant la couverture, on peut tout de suite ressentir l’atmosphère très mélancolique qui se dégage de l’oeuvre. Xiao apporte, dès les premières pages en couleurs, des tons chauds mais qui soulignent toujours d’une profonde nostalgie. Quant à son trait, il est très doux, à l’image de l’illustration qui orne la couverture. Les expressions faciales sont très prononcés, rendant les scènes avec des planches qui zooment sur le visage, plus percutantes encore. Il privilégie les doubles pages quand c’est nécessaire et on peut dire que ça fait toujours page.
Si vous n’avez jamais eu l’occasion de lire de manhua, des mangas chinois, L’enfant ébranlé peut être un très bon moyen de se lancer dans ce pan de la bande-dessinée chinoise, qui est trop peu publié en France. Pour ceux qui sont amoureux des œuvres d’Inio Asano, vous retrouverez cette justesse d’écriture dans ce oneshot de plus de quatre-cent pages. Avec une telle pavasse, vous n’aurez pas de quoi vous ennuyer.