Il y a de cela vingt ans était diffusé pour la première fois au Japon, Cowboy Bebop, l’un des premiers gros projets de Shinichiro Watanabe. A l’époque, lui et son équipe ne s’attendaient pas au succès retentissant qu’allait connaître leur anime. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, Cowboy Bebop est devenu culte et pour fêter sa vingtième année, l’équipe s’est rendue à la Japan Expo. On retrouve donc le réalisateur, Shinichiro Watanabe, le producteur, Minami Masahiko, la scénariste, Nobumoto Keiko, le chara-designer et directeur de l’animation, Kawamoto Toshihiro et enfin, le mecha-designer, Yamane Kimitoshi.
Comment les tâches sont réparties entre vous et qu’est-ce qui est le plus difficile à mettre en place au sein d’une équipe ?
Minami Masahiko : L’animation est un travail collectif, chacun a son rôle qui est établi et c’est le réalisateur qui synthétise l’ensemble des travaux mais dans le cadre de Cowboy Bebop, c’est une oeuvre assez particulière puisque chaque épisode est une oeuvre à part. Pour cette production donc, de nombreuses personnes ont été appelé dans la réalisation de chaque épisode. On les appelait pour avoir un angle nouveau par rapport au concept de Cowboy Bebop.
Quelles sont vos principales influences pour Cowboy Bebop ?
Shinichiro Watanabe : Si je peux n’en citer quelques unes, je dirais les films de Don Siegel notamment L’Inspecteur Harry qui m’a beaucoup influencé et un acteur japonais qui s’appelle Matsuda Yusaku, qui est décédé. Il y aussi, bien évidemment Bruce Lee dont le style de combat est très présent dans la série.
Comment s’est passé votre collaboration avec Yoko Kanno ?
Shinichiro Watanabe : C’est une très longue histoire mais pour résumer, c’est un travail de fou que nous avons fait sur ce projet. Normalement, lorsque l’on produit une série, il y a un budget pour chaque partie de production et il y en a évidemment un pour le budget musical. Malgré ça, j’en ai produit énormément et j’ai fait sauter le budget. Je me suis fait passer un énorme savon après ça mais vu que les albums se sont très très bien vendus, ça c’est finalement bien passé.
Nobumoto Keiko : Il faut aussi savoir qu’énormément de musiques de Yoko Kanno était déjà prête avant même que j’écrive le scénario. Il y a beaucoup d’histoires que j’ai écrites en écoutant les musiques donc on peut dire que, dans ce cas précis, ce sont les musiques qui ont influencé l’histoire et non l’inverse. Ses musiques sont très dramatiques et stimulent énormément l’imagination et je les adorais.
Vous ne faites quasiment jamais de suite/spin-off à vos animes excepté Space Dandy qui a eu le droit à une seconde saison. Pourquoi alors avoir voulu faire un film sur Cowboy Bebop à l’époque ?
Minami Masahiko : Cowboy Bebop était une oeuvre que personne n’attendait et qu’au tout début, quand c’était diffusé, personne n’en disait grand chose et c’est au fur et à mesure de sa diffusion que sa valeur critique a augmenté considérablement. Certes, l’histoire se termine au vingt-sixième épisode mais à la fin de la série, il y avait un sentiment très fort, une volonté de l’équipe de pouvoir projeter le style de l’anime sur grand écran et c’est ce qui a donné l’idée du projet par la suite.
Comment avez-vous pris à contre pied l’univers space-opéra qui avait déjà été vu et revu ?
Yamane Kimitoshi : Il y a énormément de séries qui se passent dans l’espace. Quand on produit quelque chose, on a toujours l’envie de faire quelque chose de différent. Ici, on avait un univers de chasseurs de primes donc j’ai adapté ma conception des mechas pour convenir à un tel univers. On ne s’est pas fixés de limite et on voulait vraiment crée quelque chose qui sortait du lot, pas de Leiji Matsumoto ou Go Nagai style. Cowboy Bebop est un projet basé sur des adaptations de maquettes de vaisseaux spatiaux donc lorsque le projet a été mis en route, monsieur Minami a fait des auditions de mécha-designers. Chacun a soumis son projet et je ne sais pas pourquoi mais mon projet semble avoir plu à monsieur Watanabe et d’ailleurs, j’aimerais savoir ce qui lui a autant plu. On va lui demander.
Shinichiro Watanabe : C’est vrai que maintenant, je me souviens qu’il y avait des auditions. (rires) Evidemment, je ne peux pas vous dire qui étaient les autres candidats mais il y avait de forts rapports avec Robotech (rires). Cependant, en regardant les dessins de monsieur Yamane, j’ai ressenti une sorte de réalisme, qui correspondait à l’univers que j’avais en tête.
Minami Masahiko : Cowboy Bebop est une histoire qui se passe dans le système solaire et au début, on hésitait de le faire dans le système solaire ou d’en sortir. Quand on a discuté avec monsieur Watanabe, il m’a dit que s’il sortait du système solaire, il serait perdu. (rires) On est donc restés dans le système solaire et le style de monsieur Yamane correspondait encore plus.
Que pensez-vous de ce qu’on appelle « le déclin de l’animation japonaise » ?
Yamane Kimitoshi : Je vais parler en tant que mecha-designer mais il est vrai que ces derniers temps, il y a énormément de séries qui sont très proches les unes et des autres et on sent qu’il y a un peu moins d’originalité, j’en conviens. Maintenant, je ne doute pas que chaque personne qui travaille sur un projet veut toujours essayer d’obtenir le meilleur de son travail. Pour ma part, j’espère que j’aurais la chance de pouvoir, de nouveau, travailler sur une oeuvre dont les gens pourront encore se souvenir, vingt ans plus tard.
Kawamoto Toshihiro : Lorsque l’on travaillait sur Cowboy Bebop, à la fin des années 90, on était encore sur un modèle d’animation de deux saisons donc 2 x 13. On divisait l’année en quatre parties donc 2 x 13 épisodes. Aujourd’hui, on est passé à un système de treize épisodes seulement donc ça nécessite une remise en question toujours plus importante mais on n’a pas forcément le temps de le faire. Comme vous vous en doutez, on a moins d’œuvres originales, on travaille sur des adaptations de mangas. On doit donc s’adapter à ce genre de limite et il est vrai que l’animation connait une sorte de passage difficile et j’espère que ça ne va pas durer trop longtemps.
Il y a plusieurs rumeurs concernant l’adaptation hollywoodienne de Cowboy Bebop, qu’en est-il ?
Shinichiro Watanabe : Forget about it. (rires) Ça arrive que le projet avance mais recule, ça se fait, ça ne se fait pas donc je pense que c’est mieux que vous oubliez et si ça revient, ça sera tant mieux.
Quel a été votre souvenir le plus mémorable sur la série ?
Minami Masahiko : Pendant la production qui se faisait chez Sunrise, j’ai démissionné de chez eux et j’ai crée le studio qui s’appelle Bones et donc, pour finir la production de l’anime tout en créant une entreprise, c’était très très dur et c’est le souvenir qui m’en reste. C’est avec Cowboy Bebop que je me suis mis à participer à des conventions à l’étranger et du coup, beaucoup de fans sont venus me dire qu’ils adoraient l’anime et on en est arrivé à une situation complètement folle où l’on m’a demandé à moi, producteur, de faire des dédicaces et je me demandais « mais pourquoi moi ?! ». Mais ça m’a énormément ému.
Nobumoto Keiko : J’ai un très bon souvenir de toutes ces réunions de pré-production que nous faisions ensemble avant que j’écrive. Celles d’après, c’est autre chose mais je me souviens encore chaleureusement de celles du début. Nous faisions des réunions où l’on parlait de 90% de banalités et seulement 10% de travail. Je commence à réaliser que la nature même de cette équipe n’est pas très japonaise sur la manière de fonctionner. Je pense que si vous regardez monsieur Watanabe, ça se voit. (rires)
Kawamoto Toshihiro : Cowboy Bebop a été mon premier travail en tant que directeur de l’animation sur une série télé. J’avais déjà une expérience sur des productions d’OAV mais la cadence de travail sur les séries télé étant très différente, j’ai appris pas mal de choses en travaillant sur cette série. En regardant le premier épisode, je me suis dis que c’était bien et qu’il y avait du potentiel et j’ai donc demandé à mes collègues de regarder ce fabuleux épisode qui n’a finalement jamais été diffusé. Je pense que le contenu n’était pas fait pour la télé donc on m’a dit que le prochain épisode dont je serai le directeur de l’animation sera l’épisode 5. J’étais content, j’ai travaillé dessus et il n’a pas été diffusé non plus. Je me suis dis que je devais être maudit et que je devrais arrêter d’être directeur de l’animation. (rires)
Yamane Kimitoshi : J’avais déjà travaillé sur plein d’autres séries auparavant mais c’était la première fois, avec Cowboy Bebop, où j’ai été le mecha-designer en chef. Ça a donc été mon premier gros travail où je devais tout gérer du début à la fin, en termes de constructions et créations de mechas. Je regardais des animes quand j’étais enfant, c’est ce qui m’a donné envie de travailler dans ce milieu et si on regarde bien, chaque période a son mecha de référence comme Mazinger Z, Gundam, Yamato ou Macross. Ca a été l’un des meilleurs travaux que j’ai pu faire et je remercie encore l’équipe de m’avoir permis d’être à leurs côtés pour cette merveilleuse aventure.
Shinichiro Watanabe : C’était la première fois que je me retrouvais dans un rôle important dans une production. On était tous jeunes, on se croyait tous immortels et on a tenté des choses qu’on n’aurait pas dû. Il s’est passé beaucoup de choses très difficiles mais j’ai tout oublié. (rires) J’ai une vague idée sur le fait que je me sois bien amusé. Je pense que maintenant qu’il faut qu’on crée quelque chose qui soit équivalent ou supérieur à ce que nous avons pu faire à l’époque.
Un grand merci à l’équipe de la Japan Expo ainsi qu’à l’ensemble des médias présents lors de cette conférence de presse.