A l’occasion de la Japan Expo 2018, nous avons eu le plaisir de rencontrer Izu et Kalon, auteurs de Versus Fighting Story, premier manga traitant de l’Esport. Découvrez comment est né ce manga shônen, autour de la licence Street Fighter .
Bonjour à vous, merci de nous accueillir ici à la Japan Expo. Pouvez-vous présenter brièvement pour nos lecteurs qui pourraient éventuellement ne pas vous connaître ?
Kalon : Moi c’est Kalon, je suis une des deux dessinatrices du manga Versus Fighting. Mad s’occupe de la partie story-board qui n’est pas présent aujourd’hui et moi je m’occupe de la finalisation des dessins.
Izu : Moi c’est Izu, je suis le scénariste.
Comment t’es venu cette inspiration pour cette discipline encore peu médiatisée ?
Izu : Je travaille depuis près de 18 ans dans tout ce qui touche l’eSport et les jeux de combats. A la base, je suis un grand passionné de Street Fighter. En parallèle, depuis une dizaine d’années, je suis scénariste sur de la bande dessinée franco-belge et du manga. Mon rêve de gosse est de joindre ses deux passions. Etant un grand fan de manga de sport comme Slam Dunk ou Eyeshield 21, c’était vraiment à partir de là. Mais je pense que la révélation était déjà là depuis un moment, dans les années 2000, avec Hikaru no Go.
Les japonais ont l’art de te faire intéresser au go avec un manga, alors que le go j’en ai rien à faire. Mais j’ai adoré le manga sans comprendre les règles. Et je trouve cette capacité extraordinaire à vulgariser quelque chose qui paraît compliqué pour les non-initiés. On a donc pris comme modèle, en remplaçant le go, par le jeu de combat. Avec un humour à la Eyeshield 21, pas comme au premier degré comme Tsubasa et faire une comédie de shônen sportif.
J’avais commencé un projet avec un autre dessinateur au début des années 2000. Mais on s’est rendu compte qu’il fallait avoir une licence et comment matérialiser le jeu dans le bouquin etc… ça appris beaucoup de temps et finalement avec Virginie, avec qui on se connait depuis très longtemps, j’ai pu assurer la licence de Street Fighter en 2014. J’avais déjà des bouquins chez Glénat donc ils ont été passionnés par ce projet et voilà comment on pu le lancer. Ça été complexe, avec des années de préparation. Mais une fois qu’on a eu les droits et la signature avec Glénat, ça été relativement vite.
Le manga est réalisé en collaboration avec Capcom. Dans quelle mesure se sont-ils impliqués dans le manga. Vous ont-ils imposés des restrictions ou avez eu carte blanche pour tout ce qui concerne le scénario ?
Izu : On a eu la licence de Capcom avant de commencer le manga sinon on aurait eu de gros problèmes (rires). C’est bien pour ça qu’à la fin du manga, il y a le copyright. Nous sommes sous accord officiel de Capcom. Capcom France nous soutient énormément, nous fais la promotion du bouquin. L’histoire traite de gens qui joue à Street Fighter donc à partir du moment où ils jouent à Street Fighter, on respecte le jeu. Tout est exagéré c’est un shônen mais les combats de base sont les vrais mouvements et techniques.
Comme j’ai bossé chez Capcom, et travaillé sur un jeu depuis des années, ils savaient que je n’allais pas faire n’importe quoi. Et même vis à vis de la communauté donc des passionnés, ou les joueurs de haut niveau, je ne pouvais pas me permettre de faire n’importe quoi. Sur la partie jeu pur et dur, c’est hyper ficelé et crédible, les matchs et actions sont réels, ce n’est pas inventé. Après les explications que les personnages en donnent, il y a parfois des choses farfelues. Mais le jeu lui-même est très fidèle.
Quel est votre style graphique ? Car il est un petit typé manga tout en restant dans la veine de la bande dessinée franco-belge.
Kalon : C’est exactement ça. Je suis née à la fin des années 70, donc pendant la génération Goldorak à l’arrivée des dessins animés et des mangas, ce qui a été une claque comparée à tous ce qu’on voyait à la télévision. Forcément avec le Club Dorothée, spécialement où Nicky Larson est et reste toujours ma grosse référence. Et surtout le jour où j’ai découvert qu’il y avait des bandes dessinées dont les dessins animé était adapté, cela a été une réelle révélation. Quand le manga a commencé à se démocratiser et qu’il y a eu un peu de tout et de n’importe quoi, j’aimais le côté dans lequel on était des fans que personne ne comprenait.
Mais quand tout le monde a commencé à lire des mangas, ça ma saoulé et je suis partie voir coté comics voir ce qu’il se faisait, en passant par du Ghibli et de la bande dessinée franco-belge européenne. C’est un brassage de toutes ces cultures-là qui m’ont nourri. Je n’aime pas trop les étiquettes, je prends ce qu’il m’intéresse. On le prend, on le digère et on en fait quelque chose. C’est vrai que certains décrivent le dessin comme un peu old school, de ce qu’on a vu des années 90. Mais en même temps, il y a clairement l’emprunt de la culture franco-belge. Je ne la renie pas, elle est là. Tout ce qui est mixité, métissage est très importante de prendre le meilleur de toutes les cultures.
Izu : Puis d’un point de vue logique lié à l’histoire, même dans les mangas japonais tu peux avoir un trait de Taniguchi qui n’est pas très Toriyama. Dans Versus Fighting Story, il y avait besoin vraiment d’un dessin plus réaliste, parce que c’est du contemporain. Et c’est le type de dessin qu’il faut pour ce récit. Donc un dessin type shônen comme Eyeshield (un de mes titres préférés) cela n’aurait pas eu de sens. Le bouquin a aussi pour but des lieux qui comptent dans le domaine du gaming en avant, de mettre des figures de styles de personnages connus, youtubeurs, joueurs etc… ça reste du manga mais on est dans le manga « réaliste » comme Taniguchi. Quand on fait un bouquin, la vraie question c’est de demandé ça.
Puis cela se passe en France avec des français donc on ne peut pas avoir un trait pur japonais, cela aurait été bizarre. Mais c’était une vraie question de savoir quel style marcherai le mieux et comment représenter le réel et surtout le jeu et le passage entre réel et jeu.
Kalon : Oui on se demande si on devait insérer les personnages dans le jeu à la place des personnages, et du coup il fallait un autre style graphique pour comprendre que c’était les passages du jeu. Et puis finalement on s’est dit que le mieux, quand on suit un match avec transmission sur le web ou en direct, on montre ce que les gens voyaient. C’était donc plus simple était de faire des screens et de repasser, de le retravailler pour qu’on reconnaisse le jeu.
Comment se déroule votre collaboration scénariste, dessinatrice ?
Kalon : Je n’ai pas besoin de plus de détails parce qu’enfaite, on se connait relativement bien et je pense que ça fonctionne. Quand il décrit quelque chose je le réalise assez bien. Après c’est vrai qu’Izu me donne des informations sur ce qu’il va se passer en amont, si ça me correspond et si je le sens bien. On valide toujours à deux, il prend toujours soin de voir si ça va. Après au niveau du script, il le fourni, avec des milliers de base de données de photos.
Izu : Le script est détaillé par case avec des photos de références. Kalon reçoit le script détaillé et milliards de photos et le storyboard réalisé par Mad,
Kalon : Ça donne de très bonne base. Puis Izu est très ouvert, si on a envie de changer ou si on voit que visuellement ça va mieux marcher.
Izu : En tant que scénariste, tu peux imaginer tout ce que tu veux et écrire tout ce que tu veux avec la mise en scène en tête. Mais les dessinateurs, auront toujours forcément une vision graphique ou il y a des choses qui peuvent fonctionner par écrit ça ne fonctionnera pas, il faut toujours une certaine adaptation.
Kalon : Oui. S’il y a quelque chose qui chose, grosso modo il est assez proche du script.
Chez Hachette comics, Epic Lanes de Sophie Metz, spécialiste de l’eSport et créatrice du Meltdown traite aussi de l’eSport dans un univers fantastique. Versus Fighting s’inscrit dans le genre shônen réaliste. Penses-tu qu’un manga d’eSport d’un autre type pourrait voir le jour ? (Seinen, tranche de vie, shôjo)
Izu : J’ai lu leur bouquin ça n’a aucun rapport de A à Z. Il est fait par le studio Makma. Le dessinateur je l’avais édité à l’époque où à l’époque il fait un maga sur l’handball qui s’appelle Hand7, il dessine très bien. Et Sophie Metz, je ne sais pas exactement son implication, un peu comme occupe la position de Maitre Gims sur le manga Devil Relics. Je suppose qu’elle apporté l’histoire, le contenu etc…et derrière le studio Makma. Mais eux, ils inventent intégralement un jeu inspiré de League Of Legends, ce n’est pas un jeu de licence comme nous.
Puis nous on est sur des communautés et des compétitions qui existent donc c’est réaliste, mais ça reste une grosse comédie shônen. Eux ils sont dans le fantastique, dans un optique peut être un plus jeune et shônen. Ici c’est du jeu de combat, ça un certain esprit, ils sont dans le MOBA. Ces projets sont très différents mais traite du même sujet de l’Esport et c’est très bien. Dans les manga sportifs, Slam Dunk et Capitain Tsubasa n’ont aucun rapport comme pour nous. Mais plus il y a de manga sur l’Esport, plus ça va mettra en lumière nos titres. Leur projet est super, ce sont nos potes mais il n’a pas de rapport.
Techniquement si tu regardes les comédies classiques de manga sportif comme Prince of tennis, Capitain Tsubasa et autres, il y a de grandes différences de traitements donc rien n’empêche de le faire dans l’Esport. On peut inventer un scénario autour de Fortnite ou d’une production à la Ki-oon de survival manga. 10 joueurs sont enfermés dans une salle et jouent à Fortnite, si tu meurs tu meurs dans la vraie vie. Pour un shôjo, tu racontes l’histoire de la première équipe féminine à faire du counter-strike et de leur vie dans cette communauté et t’as ton shôjo. Tu fais ce que tu veux
Kalon : C’est l’avantage du manga.
Izu : Il y tellement de variété de jeux et de thématique, de traitements dans le manga que tu peux faire ce que tu veux.
Quels sont vos jeux favoris à jouer ou à regarder ?
Kalon : J’attends avec impatience de me faire le dernier God of War, même si ça fait un moment qu’il est sorti. Mais j’ai aussi d’autre jeux en attente comme Nier Automata que j’aime bien. J’ai pris une switch aussi pour les déplacements. C’est bien pour décompresser. Du moment que c’est du fun, c’est joli, ça me va.
Izu : Je joue à Street Fighter ou sinon comme jeux de combats Dragon Ball Fighter Z qui est un grand jeu. Ça tombe bien Dragon Ball est chez Glénat je peux citer le jeu (rires). Au-delà du fait que j’aime Dragon Ball, le jeu est vraiment très bon.
Remerciements à Glénat et à Fanny pour cette entrevue.