- Auteur : Théa Rojzman (story) & Sandrine Revel (art)
- Genre : Roman graphique
- Editeur : Glénat
Synopsis : Sur une île inconnue où vivent des humains qui nous ressemblent, une sorte d’usine géante œuvre depuis toujours. Cette étrange usine a pour mission d’avaler les cris rendus muets des enfants.Elle s’appelle Grand Silence…
Dans un conte pour adultes aussi beau que son sujet est délicat, Théa Rojzman et Sandrine Revel livrent un roman graphique puissant qui explore sans brutalité ni complaisance un fléau que l’on préfère ignorer : celui des violences sexuelles commises sur les enfants.
S’il y a bien un sujet qui met mal à l’aise et dont il ne faut jamais cesser de parler, c’est bien entendu les agressions sur mineurs. Beaucoup plus de personnes que l’on croit sont concernées par la question, aussi bien en France que dans le reste du monde. Tout le monde s’entend à dire que c’est un sujet important mais dans les faits, peu de victimes en parlent d’elles-mêmes, par peur de se retrouver rejetés par les autres ou encore, de ne pas être crues.
C’est pourquoi, Grand Silence est le genre de titre qui est non seulement important mais surtout nécessaire. Sous ses airs d’histoire pour enfants, cette bande-dessinée cherche surtout à tirer la sonnette d’alarme auprès des grands comme des plus petits. Elle pousse les adultes à tendre l’oreille auprès des plus jeunes et aux enfants de ne pas se terrer dans ce fameux silence si destructeur. Les deux autrices ont cherché à parler au plus grand nombre, victimes ou personnes n’ayant subi aucune violence de ce genre. Pour ce faire, elles utilisent beaucoup d’allégories donnant des allures de contes très vite dans l’histoire. Un contes certes, mais un conte coup de poing qui glace le sang dès les premières pages où l’on assiste à l’une de ces agressions sans forcément voir la scène, ce qui est d’autant plus terrifiant.
En effet, dès le début, une telle scène nous est montrée mais ce qui est d’autant plus effroyable c’est qu’il s’agit d’une personne de la famille qui agresse un jeune garçon et ce, durant un mariage. Il ne faut pas oublier que la majorité des agressions sexuelles sur mineurs sont causés par des membres de la famille ou très proche du cercle de l’enfant. Par cela, les autrices tendent à nous montrer une réalité que beaucoup trop ne veulent pas voir. Elles prennent le parti de ne pas trop en faire mais de simplement relater des faits qui sont bien réelles, en témoigne les statistiques présents à la fin de l’ouvrage.
Plutôt, nous parlions de l’aspect « conte pour enfants » grâce à des allégories et métaphores. Grâce au coup de crayon de Sandrine Revel, le propos est amené avec une douceur infinie dans les traits et des couleurs pâles qui apportent du réconfort dans cette lecture éprouvante. C’est cette opposition avec la plume de Théa Rojzman, qui est beaucoup plus dur qui apporte une finesse particulière à la BD. D’un côté, on a l’enfant, innocent et doux et d’un autre côté, la cruauté d’un adulte qui s’abat sur lui. Ce qui est très intéressant aussi, c’est que la scénariste ne s’est pas juste contentée de pointer du doigt les adultes qui causent ces traumatismes. Etant elle-même une victime, elle dénonce aussi les déviances que cela peut apporter à l’enfant qui, lorsqu’il grandit, opère la même chose à un autre enfant, à son tour. Ce genre de cas est terriblement peu abordé, que ce soit dans les médias ou dans la littérature et pourtant, il s’agit aussi d’une réalité qu’il faut reconnaitre.
Si vous avez l’occasion de vous procurer Grand Silence, on ne peut que vous conseiller de foncer. Ce récit tragique mais emprunt d’un certain espoir est le genre de lecture qu’il faut encourager, aussi bien auprès des plus jeunes que des adultes. Il est temps de se prendre conscience de ce problème sociétal et surtout d’agir en conséquence. Il ne faut plus laisser ça sous silence et il faut que l’on puisse écouter les victimes, prendre leur parti et les soutenir dans cette épreuve.