- Auteur : FUJITA Kazuhiro
- Genre : Drame, Historique
- Éditeur : Ki-oon
Synopsis : Au cœur de Scotland Yard, le Black Museum conserve secrètement les pièces à conviction des enquêtes liées aux pires criminels du pays, dont le mystérieux Jack Talons-à-Ressort…
Londres, 1837. Un monstre aux jambes immenses, à la bouche en feu et aux griffes acérées apparaît la nuit pour déchirer les vêtements d’innocentes jeunes filles avant de s’enfuir en sautant de toit en toit, ne laissant derrière lui que l’écho d’un rire aigu aux accents de folie… Son surnom : Jack Talons-à-Ressort ! Le criminel disparaît de lui-même au bout de six mois… avant de refaire la une des journaux trois ans plus tard. Mais cette fois, pour meurtre ! Ce qui avait des allures de farce a pris un tour macabre : les victimes, toutes des femmes, sont retrouvées éventrées… L’inspecteur James Rockenfield, connu pour ses méthodes d’investigation brutales, s’est juré de mettre la main sur l’insaisissable Jack. Hélas, l’enquête se corse lorsque les indices le mènent aux portes du manoir d’un des nobles les plus fortunés du pays…
L’Angleterre a toujours beaucoup passionné les artistes et il y a de quoi. La monarchie, Sherlock Holmes, Scotland Yard ou encore Jack l’éventreur sont des pépites dont bon nombre s’inspirent encore aujourd’hui. Kazuhiro Fujita, mangaka de talent qui est également l’auteur d’Ushio to Tora, s’est lui aussi penché sur le sujet afin de dessiner le one-shot de la collection Black Museum : Springald.
Placée dans l’ère victorienne, l’histoire se déroule dans la ville de Londres où un mal ronge la capitale, la présence d’une nouvelle menace, celle de Jack Talons-à-Ressort. Pour l’arrêter, l’inspecteur Rockenfield se charge de l’affaire et enquête sur ce criminel pas commun. Malgré des allures très polar, le manga ne se veut pas être une enquête policière de A à Z. En effet, on comprend bien vite qui est véritablement Jack et l’intérêt se porte surtout sur le personnage de Walter ainsi que sa relation avec l’une de ses servantes, Margaret. Aux allures de Sherlock Holmes ou Hercule Poirot, Fujita utilise les codes du roman policier afin de tisser son histoire mais en joue également en faisant porter le statut de héros au mauvais personnage. Dans toute histoire policière, le détective ou le policier est celui qui résoudra l’enquête, arrêtera le criminel mais ici, il en est tout autre. Après les rebondissements et révélations tout au long du manga, on fait face à un homme qui se repend et combat ses propres crimes. Fujita prend l’histoire à revers afin de proposer une vision différente, celle d’un « criminel », d’un homme qui a raccroché son costume de « terreur de Londres ».
Cependant, on se doute bien vite de quelques éléments qui cassent le suspense que l’auteur a tenté de créer. L’idée de conter l’histoire de Jack Talons-à-Ressorts à travers les paroles de « l’inspecteur Rockenfield » était très bonne mais elle a deux défauts. Le premier est la vue à la première personne, à aucun moment on ne voit le visage de l’inspecteur lorsqu’il raconte à la conservatrice du Black Museum. En dépit de cela, on comprend dès les premières pages qu’il ne s’agit pas du vrai Rockenfield et si on est habitué à ce genre de manœuvres, on découvre très facilement la véritable identité du conteur. Le deuxième défaut est le rythme qui se retrouve cassé. Plusieurs fois, on revient au présent avec l’homme qui raconte l’histoire. Le faire une ou deux fois n’est pas dérangeant mais à répétition comme cela et surtout pendant des scènes intenses, on perd parfois le rythme très soutenu.
Les personnages ne sont pas exceptionnels en soit, tous très classiques, l’inspecteur est le héros typique des polars, Margaret également. Il n’y a que Walter qui surclasse les autres, Walter et son alter-égo, le légendaire Jack Talons-à-Ressorts. Personnage du folklore anglais, il a été repris à de nombreuses reprises comme dans les jeux Assassin’s Creed : Syndicate, The Elder Scrolls IV: Oblivion ou encore dans la série Luther. C’est donc un grand travail de recherche qu’a fait Fujita afin de retranscrire le mythe de cet homme pas comme les autres et ça se ressent. Plusieurs pages retraçant l’histoire de Jack Talon-à-Ressorts sont présentes entre les chapitres. L’auteur a effectué des recherches sur cette légende, la vie londonienne de l’époque ainsi que sur le Black Museum afin de nous sortir une mini-encyclopédie qui apportent beaucoup d’informations annexes à l’œuvre. Ki-oon a fourni un travail remarque sur l’édition française avec la traduction de ces pages mais également sur la couverture qui a une texture originale, faisant penser à du cuir, ce qui donne au manga des allures de bouquin ancien.
Avec des dessins plus que correctes, Fujita nous dévoile encore une partie de son talent avec Springald qui remplit l’objectif de divertir tout en perpétuant le mythe de Jack Talons-à-Ressorts mais aussi en le faisant revivre car bien qu’il soit connu en Angleterre, une fois passé les frontières, son nom ne parle pas forcément. Pour aller plus loin, Fujita prolonge l’histoire à travers deux chapitres qui ne sont pas indispensables et ruine un peu l’image de Jack ainsi que celle de Walter.