- Auteur : TORIKAI Akane
- Genre : Drame
- Editeur : Akata
Synopsis : Misuzu exerce ce que certains appellent le plus beau métier du monde… Mais entre le désintérêt de ses élèves et surtout la blessure qu’elle porte en elle, la jeune femme essaie tant bien que mal de mener son existence, la tête haute. Hélas, quand Minako, sa meilleure amie, lui annonce ses fiançailles avec Hayafuji, son petit ami de longue date, le quotidien de cette professeure vacille pour atteindre, peut-être, un point de non-retour. Pourra-t-elle trouver son équilibre dans une société si foncièrement inégale et injuste ?
Ces dernières années, de nombreux débats sociétaux ont pris une importance capitale, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les médias et bien sûr, les mangas n’y ont pas échappé. Bien entendu, des problèmes comme la question du racisme ou du féminisme ont déjà été traité auparavant dans la bande-dessinée japonaise mais dernièrement, beaucoup de ces oeuvres nous parviennent enfin au France et très souvent, par l’intermédiaire d’Akata. Cette maison d’édition a toujours souhaité mettre en avant des récits qui pourraient faire réfléchir et questionner le monde qui nous entoure. Elle décide alors de frapper fort en début d’année avec son nouveau titre, En proie au silence.
On suit ainsi Misuzu qui tente de se sortir de ce quotidien infernal dans lequel elle est prisonnière, en vain. Devant supporter le chantage, elle ne voit aucune autre alternative que de tout simplement fermer les yeux et subir ce supplice. Torikai a fait le choix de ne pas se concentrer uniquement sur son personnage principal mais d’élargir son champ de vision à plusieurs autres personnages. Ainsi, on se retrouve face à une palette de personnalités aux parcours différents qui réagissent plus ou moins différemment à ces questions. Il y a d’un côté Misuzu qui considère que les hommes sont le problème, d’un autre côté Reina, qui a transformé son viol en forme d’amour en n’ayant d’yeux que pour son assaillant ou encore Niizuma qui rejette la faute sur lui-même tout en n’ayant pas compris qu’il a été une victime.
Comme dit plus haut, il s’agit d’un récit dur puisqu’aucun détail n’est épargné. On retrouve plusieurs doubles pages très fortes, qu’il s’agisse d’un gros plan sur un personnage, en proie à une vive émotion ou bien d’une scène de viol. Par un style graphique très épurée et précis ainsi qu’un découpage minitieux, Torikai nous plonge véritablement dans la tourmente que vivent ses personnages. Plus que de pointer du doigt des actes cruels qui se passent tous les jours et dont tout le monde est au courant, elle se concentre sur la reconstruction et sur la psychologie des victimes, chose auquel on ne pense pas forcément. Il y a certes le pendant mais le plus destructeur pour les victimes est sans aucun doute, l’après. Ses personnages sont cassés et ils essaient tant bien que mal de se réparer eux-même ou de réparer les autres, des fois de la mauvaise manière, des fois sans succès.
Torikai est souvent épinglée comme une féminisme, à raison, certes mais elle est avant tout pour la sûreté de chacun. Elle ne s’égare pas en excluant la gente masculine et entend qu’il existe un problème au sein de nos sociétés qui touche, effectivement, plus les femmes mais également les hommes. Les violences contre ces derniers sont bel et bien réelles et elle ne l’oublie pas. Le récit, d’une froideur absolue est profondément ancrée dans la triste réalité qui nous entoure mais il ne semble pas non plus complètement noir. L’autrice tend au fur et à mesure des tomes dans une teinte grise, nous laissant penser que les personnages peuvent s’en sortir et se relever. Il n’empêche que chaque tome est dur et certaines planches nous mettent la boule au ventre. Bouclé en huit tomes au Japon, le volume 4 paraîtra le 8 octobre prochain.