C’est à l’occasion de la Japan Expo 2017, que nous avons eu l’honneur d’accueillir le réalisateur promouvant « Hirune Hime » sortie le 12 juillet dans les salles françaises.
Comment avez vous découvert l’animation ?
Kenji Kamiyama : Si j’essaie de remonter dans le temps, mon plus ancien souvenir lié à l’animation c’est lorsque j’ai vu la série « Maha Go Go Go »* petit. C’est une histoire de course de voiture où une famille y participe. Dès le premier épisode, le personnage principal participe à cette course se déroulant en Afrique. Après son départ, ses vêtements et voiture sont volés, il lui arrive que des catastrophes. Il doit trouver une solution et devient ami avec des animaux et habitants de la région. C’est ensemble qu’ils arrivent à surmonter tous les obstacles jusqu’à gagner le premier prix. Je pense que cette série à vraiment été révélatrice pour moi. C’est ainsi que j’ai découvert l’animation.
* Connu en France sous le titre Speed Racer
Aviez vous envie de faire ce métier dès votre plus jeune âge?
Kenji Kamiyama : Quand j’ai découvert « Maha Go Go Go », je n’avais que 4 ans donc je n’ai pas eu tout de suite envie de travailler dans l’animation. Plus tard, j’ai cessé de regarder des séries d’animation et c’est à l’âge de 14 ans que j’ai recommencé à m’y intéresser avec « Gundam ». C’est vraiment la découverte de Gundam qui m’a donné envie de travailler dans ce milieu car dans cette série, par le biais de l’animation, on pouvait vraiment s’exprimer. Je pense que c’est la première série qui a aussi bien parlé du côté psychologique et la sensibilité des jeunes garçons. Et j’ai même pensé que l’animation pouvait finalement mieux expliquer certaines choses que le cinéma de prise de vue réelle. C’est donc grâce à « Gundam » que j’ai voulu travailler dans l’animation.
Kokone est une jeune lycéenne comme il en existe des milliers avec des quotidiens très variés. Cela tranche beaucoup avec les personnages qui souhaitent changer le monde ou le sauver. Pourquoi avoir choisi cette héroïne?
Kenji Kamiyama : Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai choisi ce personnage de jeune lycéenne. D’abord, la première raison est que le film est financé par une chaîne de télévision et le producteur de cette chaîne m’a proposé de faire un film que je voudrais montrer à ma fille. J’ai donc dédié ce film à ma fille et forcément pour la création de ce personnage principale j’ai été beaucoup influencé par ma fille.
La deuxième raison est que lorsque j’observe la société japonaise, je remarque des ruptures intergénérationnelles, que l’on peut retrouver aussi dans le monde entier. Les jeunes et les personnes âgées vivent dans des mondes très séparés. Les personnes âgées exploitent les jeunes, et ces derniers se méfient d’eux. Du coup, chaque génération vit dans son propre monde. C’est regrettable de voir ces générations séparées entre elle, je voulais donc mettre en lumière la jeune génération. Je pense que cette génération, représentée par Kokone, apporte des choses très positives et même s’ils ne connaissent pas grand chose de la vie, c’est par leur méconnaissance que les jeunes peuvent oser. Je me suis dit qu’au lieu d’aborder un thème complexe, il fallait tout simplement parler de ces jeunes. J’ai trouvé que cela était plus intéressant. Au début de ce projet, ma fille était encore à l’école primaire et pour cette histoire là, ma fille était trop petite pour être prise en exemple, j’ai donc décidé de la faire lycéenne car c’est une période entre l’enfance et l’âge adulte. C’était donc parfait pour montrer cette sensibilité.
Quelles ont été ses inspirations pour le film? Pour les rêves (Paprika), pour la technologie (Roujin Z) ?
Kenji Kamiyama : J’ai eu beaucoup d’inspirations. Mais il y a surtout une phrase qui m’a beaucoup inspiré d’un auteur de science-fiction, qui dit que la science qui est très bien faite ressemble beaucoup à de la magie, de ce fait, on ne peut pas faire de distinction entre la science parfaite et la magie. Quand on parle de la magie on peut tout faire, c’est un monde tellement abstrait qu’il fallait une sorte de règle. C’est à partir de cela que j’ai commencé à écrire cette histoire autour de la magie en imposant certaines règles.
Puis dans ce film « Hirune Hime », je voulais montrer le monde des rêves mais toujours en parallèle du monde réel. C’est donc un film de confrontation entre le rêve et la réalité et le « soft and hard », tout ce qui touche aux machines et leur contenu. Le Japon a connu une grande époque avec l’avancée industrielle. Il était le pays le plus avancée mais a désormais pris du retard et en terme de technologie il n’est plus le premier dans le monde. Je voulais montrer le retard du Japon actuel, et de montrer dans le côté hard, mon inspiration des robots crées et des innovations des automobiles japonaises.
Qu’est ce que signifie pour vous Heartland?
Kenji Kamiyama : Pour moi Heartland représente le monde actuel avec beaucoup de contradictions des milieux automobiles japonais.
On sait que Mamoru Oshii a été votre « mentor ». Cela vous a-t-il influencé sur la société et les nouvelles technologies?
Kenji Kamiyama : J’ai recu beaucoup d’influence de Mamoru Oshii, peut être pas directement mais beaucoup indirectement. Mamoru Oshii est certainement le premier réalisateur d’animation à avoir insérer des éléments réels dans des œuvres de science-fiction. Par exemple connu le mouvement étudiant plus jeune au Japon dans les années 60-70, il a donc lui même des convictions sur cette révolution et les a incorporées dans ces propres films de science-fiction. Lorsqu’un élément très réel est reporté dans un film de science-fiction, cela parait encore plus vrai que vrai. J’ai trouvé cela très efficace. J’ai donc reproduit la même chose et j’apprécie beaucoup le faire. Dans « Ghost in the Shell », j’ai donc insérer des séquences où l’on voit le livre de Sallinger, qui est un réel écrivain. Pendant longtemps, parler de la réalité dans les œuvres de science-fiction était tabou, mais Mamoru Oshii a su le faire et j’ai suivi son exemple.
Pour Ghost in the Shell – Stand Alone Complex, quel lien a-t-il voulu garder avec le manga de Masamune Shirow?
Kenji Kamiyama : Ce que j’ai voulu garder du manga original dans ma propre série, c’est l’esprit et la vision de l’intelligence artificielle. A l’époque, le manga a beaucoup marqué car on en était au début. L’intelligence artificielle est inventé par les êtres humains, mais cette invention se dit être un être humain, alors que c’est un programme fait par des êtres humains. Mais finalement, c’est comme si ce programme avait commencé à avoir sa propre initiative de se comporter comme un vrai humain. Les humains, créateurs de cette invention, savent que c’est une intelligence artificielle et non un être humain, mais ne peuvent pas prouver de manière scientifique que ce n’est pas un être humain. Les êtres vivants ne savent toujours pas pourquoi il y a une vie et une mort. Aujourd’hui nous ne le pouvons pas encore l’expliquer. Il y a donc des limites humaines face aux programmes qu’ils inventent. Et c’est ce côté qui est très intéressant à l’époque. Le manga « Ghost in the Shell » est donc en avance par rapport à d’autres œuvres de science-fiction. Le mangaka a parlé de ce sujet avec l’épisode des marionnettistes, mais moi j’ai essaye de ne pas utiliser les marionnettistes. C’était un défi d’aborder ce thème sans cette épisode.
Masamune Shirow a-t-il participé de près ou de loin à l’élaboration de l’anime?
Kenji Kamiyama : Au début de la création de la série, il a fallut faire des épisodes qui n’existaient pas dans le manga original. Masamune Shirow nous a proposé à titre d’exemple, 5 épisodes. Il nous a suggéré des grandes lignes de la série. Il a donc participé au projet au début. Puis, parmi les conseils donnés, il m’a dit une phrase qui m’a beaucoup marquée : lorsque l’on fait des science-fiction, très souvent les histoires sont pessimistes et très sombres or lui, il essaye de parler de l’espoir. C’est donc cela que j’ai voulu hérité de lui, encore aujourd’hui lorsque je travaille sur une œuvre de science-fiction, j’essaye toujours de parler de l’espoir.
Pour finir pouvez vous nous donner votre film favori, manga préféré, votre jeu vidéo préféré et pour finir votre CD de chevet?
Kenji Kamiyama : Si je devais déménager sur la planète Mars, et que je devais ne prendre qu’un seul dvd je dirais les « 7 samouraïs » d’Akira Kurosawa.
Mon manga préféré est « Captain ». Je ne sais pas s’il y a eu une version française. C’est un manga adapté en animé, qui parle de quatre capitaines qui mènent leur équipe à la victoire de manière différente. On nous montre donc qu’une seule réponse n’existe pas. Pour arriver à quelque chose, il y a mille façons de faire et c’est ça qui m’a plu lorsque j’étais à l’école primaire.
Je ne joue pas beaucoup aux jeux vidéos, mais j’ai passé beaucoup de temps à jouer à Doom.
Pour un titre de CD c’est plus compliqué qu’un titre de film. Lorsque j’étais lycéen, je faisais des films d’animation indépendant et j’ai utilisé la musique de F.R. David, un chanteur francais. La chanson s’appelle « Music ». C’est un morceau que je n’écoute pas beaucoup, peut-être une fois tous les trois ans j’ai très envie de l’écouter. Lorsque je l’écoute, elle me trouble vraiment beaucoup et me transporte à l’époque de mes années lycées.
Un grand merci à Eurozoom et Aurélie Lebrun de Games of Com pour cette opportunité d’interview .