- Auteur : HIRAKO Waka
- Genre : Drame
- Editeur : Ki-oon
Synopsis : Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n’en croit pas ses oreilles. Elles s’étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s’est vraisemblablement suicidée…
Tomoyo ne contient pas sa rage : elle doit trouver un moyen de rendre un dernier hommage digne de ce nom à sa seule confidente. Pas question de laisser le père violent de la jeune fille prendre les choses en main ! Bouleversée et confuse, elle se précipite chez lui, vole l’urne funéraire et, malgré les coups, hurle les mots de colère que Mariko a gardés en elle pendant toutes ces années ! Les précieuses cendres sous le bras, Tomoyo se lance dans une course effrénée, en quête du lieu de dispersion idéal… mais aussi du salut, pour son amie comme pour elle-même.
C’est une des grosses sorties en ce début d’année du côté de chez Ki-oon, qui n’a pas cessé de promouvoir le titre sur ces réseaux, et ce, depuis plusieurs mois déjà. Normal, nous direz-vous, après tout, c’est l’éditeur ! Dès lors qu’ils ont annoncé ce nouveau titre en nous dévoilant la couverture, on a tout de suite été subjugué par cette illustration. Sans même avoir vu des pages ou lu le synopsis, on a été frappé par la colo plutôt sauvage, s’apparentant à de la peinture. Une femme nous regarde de haut, les cheveux au vent, clope au bec, un long imperméable sur le dos, tenant quelque chose à la main. Il n’est pas si commun d’avoir des couvertures qui frappent aussi vite et aussi fort. Celle-ci fait tout de suite mouche et nous met dans une ambiance assez étrange. On sent que la lecture sera dure et le titre ne fait que nous conforter dans cette idée : My Broken Mariko.
Et on avait raison, la lecture n’est pas des plus aisées en raison du thème qui y est traité. A tort, certains diront que l’on parle du suicide mais finalement, celui-ci n’est qu’un moyen pour parler d’un sujet plus large encore : la perte d’un être cher. Du jour au lendemain, sans que personne ne puisse s’y préparer, Tomoyo perd Mariko, sa meilleure amie, qui s’est suicidée en se jetant de chez elle. Elle décide alors d’accomplir sa dernière volonté en amenant ses cendres à Marigaoka. La question du suicide n’est finalement pas si importante que ça ici. On tourne autour de Tomoyo ainsi que de sa manière de faire son deuil et de perpétuer le souvenir de son amie. Elle s’en veut de ne pas avoir vu venir cet évènement tragique mais au fur et à mesure de son voyage, elle finit par se rendre compte que la question n’est pas d’essayer de comprendre pourquoi mais de savoir comment vivre sans elle. Pour cela, elle va devoir faire face à son passée au travers des différentes lettres que lui a écrites Mariko.
C’est un des points forts de l’œuvre. Hirako ne cesse de faire l’aller-retour entre les moments où Mariko était encore en vie et le présent à travers ses fameuses lettres qui font ressurgir de vieux souvenirs pour Tomoyo. On apprend alors à connaître Mariko au travers des yeux de son amie. On découvre ses peines de cœur, ses problèmes familiaux ou encore son attachement tout particulier à Tomoyo. Cela serait un peu de la surinterprétation de dire que Mariko était amoureuse de sa meilleure amie mais elle tenait vraiment à elle, sans aucun doute possible. Un lien qui va au-delà de l’amitié unit les deux jeunes femmes, un lien qui surpasse même les limites de la vie et se poursuit jusque dans la mort. Tomoyo doit donc apprendre à préserver ce lien sans pour autant s’empêcher de vivre. Une scène qui est plus qu’intéressante est celle où Mariko fait du chantage à Tomoyo en disant qu’elle se tuera si celle-ci venait à l’abandonner ou à sortir avec un garçon. Si ce comportement est égoïste (et il l’est), cela en dit long sur Mariko. Elle ne vit quasiment que pour Tomoyo et c’est là qu’un aspect du suicide prend tout son sens : l’incompréhension. Souvent, les proches de la victime ne comprennent pas le geste tout comme Tomoyo ne comprenait pas celui de Mariko. Ainsi, il en va de même pour le lecteur qui, même s’il a vu le climat dans lequel vit Mariko, ne comprend pas pourquoi, elle qui était si attachée à Tomoyo, décide tout de même d’en finir avec la vie. C’est un aspect très important de l’après-suicide qui est très peu ou mal traité en général. Ici, l’incompréhension du lecteur se marie avec celle de Tomoyo, on arrive à s’identifier à elle qui est soudainement dépassé par ce qui arrive. Tout va trop vite et elle doit réagir aussitôt, ce qu’elle fait et ce qui lui attirera plusieurs ennuis lorsqu’elle arrivera à Marigaoka.
C’est ce périple vers cette destination qui l’aidera à réfléchir, à murir, quand bien même celui-ci semble plutôt court. Au début du volume, on nous présente une Tomoyo très « classique ». Elle a un boulot générique avec une routine qui est constituée de l’éternel « métro, boulot, dodo » et n’a pas l’air des plus satisfaites dans ce train-train quotidien. Très vite, on la découvre très énergique et même plutôt grande gueule notamment lorsqu’elle va chercher les cendres de Mariko chez le père de cette dernière. Que ce soit à travers les flashbacks ou dans le présent, on nous dépeint une Tomoyo casse-cou et rebelle et qui agit souvent à l’instinct. Elle s’oppose ainsi à Mariko qui est plus posée, gentille et se laisse toujours malmener par les autres sans répliquer.
Notre héroïne se voit donc être surprise plus d’une fois lorsqu’elle arrive à destination. Entre les voleurs à la tire, les ivrognes trop insistants ou encore les nuits à la belle étoile, son périple n’est pas des plus simples. C’est justement grâce à tout cela réuni et l’aide d’un homme étrange qu’elle va pouvoir enfin faire quelque chose qu’elle refusait de faire complètement : en vouloir à Mariko. Un suicide provoque beaucoup d’émotions : de l’incompréhension comme on l’évoquait plus haut, du déni, de la tristesse, du désespoir et surtout, la colère qui nait de tout ça. Pour pouvoir avancer, honorer sa mémoire et continuer de l’aimer, Tomoyo doit prendre conscience des mauvais côtés de Mariko que l’auteur n’essaie absolument pas de dissimuler. Ce qui est excellent avec l’écriture de manga, c’est que Hirako reste neutre tout du long, il ne nous montre pas une Mariko parfaite. Il montre les deux faces d’une même pièce. Par exemple, lorsqu’elle avoue à Tomoyo que son petit-copain la frappe, on pourrait penser : « Elle n’a qu’à en parler à Tomoyo, c’est son amie, c’est une forte tête, elle l’aiderait, elle n’est pas seule ! » mais d’un autre côté, on se dit également : « Ca doit être difficile pour elle. Rien que d’en parler, c’est compliqué. ».
La mort de quelqu’un et surtout le suicide n’est jamais tout noir ou tout blanc, l’incompréhension, la colère, la tristesse… Toutes ces choses nous dépasse, nous, êtres humains. Ce n’est pas quelque chose de rationnel et même si des psychologues ou philosophes se sont penchés sur la question et ce, depuis des siècles, le concept de « mort » est quelque chose qui nous dépassera toujours. Hirako, à travers son one-shot et ses dessins somptueux nous le démontre bien. Son style graphique est très marquant, nous rappelant celui d’Anno Moyoko (Happy Maniac, Plaire à tout prix…). Le travail de Ki-oon est aussi impeccable avec un grand format avec une couverture qui a du relief sur le titre. En plus de ça, on a également une illustration couleur à l’intérieur, une autre petite histoire, Yiska ainsi qu’une interview réalisée par l’éditeur français où Hirako revient sur la création des personnages, de l’intrigue et bien d’autres choses.