- Auteur : ITÔ Junji
- Genre : Suspense, horreur
- Editeur : Mangetsu
Synopsis : La belle Kyôko Byakuya se promène seule au pied du mont Sengoku, parmi des tourbillons de mystérieux filaments volcaniques aux reflets d’or. Au détour d’un chemin, elle tombe nez à nez avec un homme aux propos décousus qui semble l’attendre pour l’inviter dans son village. Ses habitants y vouent un étrange culte au dieu Amagami et son missionnaire persécuté sous l’ère Edo. Cette nuit-là, lorsque Kyoko lève les yeux vers le ciel avec les autres villageois, une nuée de fibres d’or envahit le firmament. Ce n’est que le premier incident d’une série terrifiante qui s’apprête à bouleverser la réalité telle qu’on la connaît ! Le monde tombera-t-il sous le joug de la mystérieuse Kyôko ?
Faut-il encore présenter Junji Itô ? LE maître de l’horreur pour beaucoup avec une bibliographie d’ouvrages impressionnante. Les éditions Mangetsu lui consacrent une collection à part entière dans leur catalogue et si Tomie est le premier titre à être paru en juillet, Sensor est le deuxième manga du maître à venir horrifier notre rentrée. Un titre récent et inédit chez nous. Mangetsu nous a concocté une édition magnifique : une couverture dure, ornée de dorures, le dessous de la jaquette est superbe… Déjà sur ce point nous pouvons dire que l’objet lui-même mérite d’être dans une bibliothèque !
Quant à l’histoire ? Et bien il faut admettre que ce Junji Itô est déroutant, il est assez différent de ce que nous retrouvons habituellement chez lui. L’horreur est ici abordée sous une facette originale, sur fond d’horreur “cosmique”, de secte, mais aussi sur fond d’histoire du japon avec la chasse aux chrétiens de l’époque Edo …
Certains n’apprécieront pas le changement de ton dans cet ouvrage, ce qui peut être compréhensible. Cependant, l’horreur est quelque chose de subjectif, ce qui fait peur à certains n’en feront même pas frissonner d’autres, et Sensor porte bien un côté horrifique en lui ! Le côté cosmique (nous pouvons même parler de cosmicisme) rappelle inévitablement Lovecraft et c’est aussi ce qui peut faire perdre le lecteur en cours de route. Cependant, cela est très bien amené avec le côté secte/religieux cherchant à tout prix à obtenir un pouvoir qui les dépasse. Tout cela passant par quelque chose de curieux : les cheveux. Ce sont les cheveux, perçus comme des filaments divins, qui feront vivre l’horreur à Kyôko.
Nous pouvons noter l’influence du grand Kazuo Umezu, autre grand génie de l’horreur, et son œuvre Orochi. En effet, Kyôko fait très clairement penser à Orochi, héroïne donnant son nom au manga, -cela est même souligné dans les informations apportées à la fin de Sensor- qui possède elle aussi une chevelure claire et des pouvoirs extraordinaires.
Justement, les cheveux, parlons-en. Cela peut sembler bizarre à nos yeux d’occidentaux, mais les cheveux sont un élément que nous retrouvons souvent dans les œuvres d’horreurs japonaises, nous pensons tout de suite à Sadako dans le film Ring, dont le visage est caché par sa chevelure. Nous retrouvons aussi parmi les yôkai, ces créatures appartenant au folklore japonais qui, bien souvent, font peur, des représentations de femmes fantômes aux cheveux longs. Cet élément est quelque chose d’ancré dans la culture populaire, jusque dans les jeux vidéo… Il n’est donc, au final, pas si surprenant de retrouver cet élément.
Pour ce qui est des personnages, si Kyôko, présentée comme étant la protagoniste, voit vite sa place être mise en second plan, son rôle n’en reste pas moins majeur. Tout l’intérêt du récit passe par elle. Elle devient un personnage mystérieux, mystique. C’est aussi pourquoi, suivre Wataru, le reporter, et ainsi découvrir toutes les réponses aux questions de l’histoire avec lui, donne à ce dernier un rôle clé qui permet aussi aux lecteurs de se retrouver en lui et de ne pas totalement se perdre dans le côté cosmique du titre. Les autres personnages qu’ils croiseront au long de leur périple n’ont pas forcément le temps d’être développés, mais cela n’est pas non plus une nécessité. Par exemple, pas besoin d’avoir une profondeur dingue pour le personnage de Kagerô Aido car le fait de ne pas en savoir beaucoup sur lui accentue sa folie. Ce qu’il recherche est très vite expliqué et cela peut aussi permettre de montrer l’effet qu’un gourou peut avoir sur ses membres pour leur faire perdre leur identité.
Au-delà de tout cela, nous retrouvons tout de même la patte de l’auteur : les visages déformés, des situations angoissantes/gênantes (nous pensons notamment au chapitre avec les insectes…), le style de dessin bien reconnaissable d’Itô, avec un trait tout particulièrement soigné ici qui est vraiment agréable à l’œil.
En bref, ce titre ne plaira pas à tout le monde, il est peut-être plus difficile d’accès, et pourtant c’est une lecture qui vaut le coup d’être essayée. Si vous aimez Junji Itô, nul doute qu’il faut vous procurer ce manga. Les éditions Mangetsu continueront de nous plonger dans l’univers horrifique du mangaka en novembre prochain, avec la sortie du premier volume des Chefs d’œuvres de Junji Itô et nous avons hâte de pouvoir lire ces nouvelles !