- Auteur : UMEZU Kazuo
- Genre : Horreur, Fantastique
- Editeur : Glénat
Synopsis : Sho et ses camarades ont découvert l’atroce vérité : leur école a été projetée dans un futur où toute trace de l’ancien monde a disparu ! Face à cette découverte, les adultes sidérés ont préféré se donner la mort. Seul survivant, le doux professeur Wakahara s’est quant à lui changé en véritable psychopathe et n’a plus qu’un seul objectif : éliminer chaque enfant. Mais alors qu’il se retrouve seul avec Sho et qu’il est sur le point de le tuer, le désespoir du jeune garçon provoque un événement physiquement impossible…
Ces derniers temps, remettre au goût du jour de vieilles éditions est plutôt à la mode, d’autant plus dans le manga d’horreur. On pense bien entendu immédiatement à Junji Itô du côté de chez Delcourt/Tonkam avec la Déchéance d’un homme ou encore Tomie et Sensor chez Mangetsu. Il y a aussi les éditions du Lézard Noir qui mette constamment en avant des œuvres plus anciennes, empruntes du gekiga, un genre bien trop peu connu de nos jours. Parmi les auteurs qui en ont fait les belles heures, on y retrouve celui qui nous intéresse aujourd’hui, je parle bien entendu de Kazuo Umezu. Immense mangaka, il commence sa carrière dans les années 50 avec Bessekai, à seulement 19 ans. Très vite dans sa carrière, il va s’orienter vers le genre fantastique et horrifique avec des œuvres comme Orochi, Je suis Shingo (Lézard Noir), Baptism (Glénat) ou encore notre sujet du jour, L’Ecole emportée.
Edité une première fois par Glénat et compilé en six volumes en 2005, le manga est plus ou moins passé inaperçu à l’époque. C’est donc seize ans plus tard qu’ils décident de le faire renaître de ses cendres en proposant une toute nouvelle édition. La première chose qui frappe, avant même de s’intéresser au contenu, c’est bien entendu, la couverture. Contrairement à la première édition, qui avait des couvertures très colorées, dénotant complètement avec l’ambiance de l’œuvre, celle-ci propose des jaquettes beaucoup plus ternes. Adieu les jets de couleurs à tout va (qui faisaient quand même le charme de cette version) et bonjour les contrastes de rouge, noir et vert avec une pointe de blanc. On est un peu plus proche de ce qu’on va retrouver dans le manga mais tout en gardant le côté coloré qui sautait tout de suite aux yeux en 2005.
Horreur, horreur, horreur… On associe toujours ce mot à Junji Itô mais il faut savoir que celui qui l’a grandement influencé et l’a poussé à aller sur cette voie n’est nul autre que Kazuo Umezu que l’on appelle « le Dieu de l’horreur ». Et si quelqu’un vous pose la question et demande de lui expliquer en quoi ce Umezu peut prétendre à ce titre prestigieux, orientez-le directement vers L’Ecole emportée. Il n’y a rien de mieux que cette œuvre pour montrer le talent du mangaka. Il ne cherche pas à véritablement faire peur au lecteur mais tente plutôt de le faire angoisser, sentiment bien plus dur à faire ressentir à quelqu’un. La peur est simple à provoquer, un silence et un gros bruit suffit à faire sursauter le plus grand des gaillards tandis que l’angoisse doit se construire et arriver petit à petit. C’est en ça que le Dieu de l’horreur est un génie. Il parvient à bâtir un cadre qu’il va complètement chambouler en un claquement de doigts, sans explications et laisser ses personnages et son lectorat dans l’incompréhension la plus totale.
Il tire cette angoisse de l’inconnu, chose qui est sans nul doute ce qui est le plus effrayant pour l’être humain. Tel un marionnettiste, il manipule ses personnages et les fait tourner en bourrique pour provoquer une sensation de mal-être chez eux et le lecteur. Pour réussir cela, il associe un huit-clos, parfait pour créer de l’angoisse ainsi qu’une ribambelle de personnages âgés de 3 à 10 ans, tout au plus, appuyant l’aspect cruel. Il y a bien quelques adultes présents mais il fait le choix de se concentrer sur les enfants et en fait ses héros. Il les pousse à devenir mature et indépendant bien plus vite que prévu et les pousse jusque dans leurs derniers retranchements. Tout ça réunit, on ne peut qu’avoir de la peine pour ces bambins et on ne peut s’empêcher d’avoir la gorge nouée en tournant les pages, de peur de voir ce qui peut leur arriver.
Le style graphiquement est typique du gekiga et des années 70 et qui pour beaucoup, a très mal vieilli mais c’est ce qui fait l’une des forces de ce titre. Avec ses traits épais et ses expressions exagérées, on a l’impression que les personnages sont figés dans le temps. Il n’y a pas vraiment de dynamisme mais ça ajoute du charme et ça marque le coup à chaque moment intense.
Si vous n’êtes pas familier avec Kazuo Umezu, L’école emportée est une bonne porte d’entrée dans l’antre horrifique de ce dieu vivant. Vous serez peut-être un peu désarçonné par le graphisme mais une fois que vous serez passé au-dessus de ça, vous pourrez pleinement profiter d’une des œuvres les plus mythiques du manga des années 70.