- Auteurs : SHUREI Kôyu
- Genre : Fantastique, aventure
- Editeur : Panini
Synopsis : “Les Alichinos sont des créatures d’une incroyable beauté qui exaucent les vœux en échange d’une rétribution particulière : les âmes. Il existe également des humains à l’âme si pure qu’ils sont porteurs des sceaux, seuls capables de détruire ces mauvais génies. Le revers de la médaille est qu’ils sont par la même une nourriture de choix et une source de pouvoir conséquente pour ces être spéciaux…”
Nous avions envie de vous présenter des séries qui sortent de l’ordinaire, ou du moins, des séries dont on parle moins, qui ne sont plus éditées, mais qui restent malgré tout des titres sur lesquels se pencher peut être intéressant. ALICHINO est donc le premier manga que nous avons décidé de vous présenter un peu plus en détail dans cet article. Série parue entre 1998 et 2001 au Japon (2003 chez nous) et composé de trois tomes, ALICHINO est le seul manga dans la carrière de l’artiste SHUREI Kôyu qui est avant tout illustratrice de romans. Pour citer un autre de ses travaux connus, elle a signé les couvertures (et uniquement les couvertures) des tomes de Return to Labyrinth, adaptation en manga du film Labyrinth de Jim Henson. Même s’il semble peu connu aujourd’hui, ALICHINO a réussi a marqué ceux qui ont eu la chance de le lire de par ses graphismes époustouflants. Bémol ? Le titre n’est plus édité, oui, mais ce n’est pas tout : le vrai problème est que la série est en pause depuis 2001, soit plus de 20 ans…! L’histoire n’a donc jamais été conclue. L’autrice semblait toujours être sur sa série en 2005 mais rien n’est paru…et cela ne semble pas prêt de changer, car la série donne l’impression d’être désormais vue comme étant terminée et nous n’avons pas réellement d’explication sur ce qui a réellement causé la fin de la publication du manga. Il est dit que SHUREI mettait déjà énormément de temps à sortir un tome, presque deux ans pour chaque, ce qui faisait que déjà à l’époque, suivre la série devait être un combat de patience pour les lecteurs et c’est peut-être cette charge de travail qui a fait arrêter l’autrice… Quand on fouille un peu sur internet, on peut trouver des informations montrant que SHUREI semble continuer sa carrière d’illustratrice, bien que son travail le plus récent remonte déjà à 2014 sur le roman 聖騎士の独占愛 (Seikishi no dokusenai)… Cependant, on voit tout de suite que l’artiste n’a rien perdu de son talent au dessin. Elle semble être très discrète et cela rend assez difficile d’avoir des informations sur elle. Maintenant que nous avons un peu recontextualisé l’histoire autour de la création de l’œuvre, voyons ce que les trois tomes nous proposaient.
Nous suivons donc l’histoire de Tsugiri, un jeune garçon souvent pris pour un Alichino à cause de sa beauté éclatante. Il vit avec Enju, un homme qui l’a recueilli suite à un événement tragique qui s’est produit lors de son enfance. Tsugiri attire les Alichino, car il est ce que l’on appelle un Sceau, une personne avec une âme d’une pureté telle que tous les Alichino rêvent de pouvoir la dévorer. Cependant, les sceaux sont aussi les seuls à avoir le pouvoir de tuer ces créatures… Enju possède un ami, Ryoko, qui a passé un pacte avec une alichino : Myobi, ayant apparence d’une petite fille semblable à une poupée de porcelaine et capable de se changer en chouette. Après un premier tome posant les bases de cet univers fantastique, c’est avec le deuxième que l’histoire se met réellement en place : un maître alichino, Roshiki, voulant à tout prix mettre la main sur Tsugiri, envoie Matsurika, l’alichino avec laquelle il a passé un contrat, enlever Enju. Tsugiri et Ryoko se mettent alors à sa recherche. Nous découvrirons alors le passé de Ryoko, l’origine de son contrat avec Myobi, ses motivations… rendant le personnage plus attachant et intéressant. Pour arriver au troisième tome concluant une confrontation plutôt haletante et forte en émotions, qui permettait d’ouvrir le manga sur un nouvel arc narratif dans la recherche d’Enju, arc qui n’est jamais sorti… C’est donc avec une immense frustration que nous fermons le troisième et dernier tome de la série. L’univers proposé possède encore tant de questions sans réponses et ne demandait qu’à être développé, tout comme ses personnages… C’est tellement dommage !
Pour approfondir un peu plus, nous pouvons nous attarder sur les créatures que sont les Alichinos. Perçus presque comme des anges par la jeune fille rencontrée au tout début du premier tome, elle espère désespérément conclure un pacte avec l’un d’entre eux pour exaucer son souhait de retrouver son défunt frère. La description que nous donne le manga des alichinos est que ce sont des « êtres d’une incroyable beauté », ils peuvent alors nous faire penser à des vampires et nous pourrions les voir comme une autre approche de la créature. Mais ils sont aussi « capables d’exaucer un souhait » cela en passant un pacte avec eux en l’échange de l’âme de la personne… cela rend ces êtres d’autant plus calculateurs et mauvais sous leur airs angéliques et parfaits. Nous ne connaissons pas non plus leur véritable forme. Mais cependant, le terme Alichino n’est certainement pas choisi au hasard. Si ces créatures nommées ainsi possèdent un côté sombre, mauvais, cela est sûrement dû au fait qu’Alichino est à l’origine le nom d’un démon rencontré dans La divine Comédie de Dante Alighieri. L’étymologie du nom viendrait du mot « arlequin » en italien, Arlecchino. Les arlequins sont des personnages souvent comiques, des valets, des bouffons, ce qui pourrait, à première vue, se rapprocher des Alichino vu que ses derniers signent des contrats avec des humains qui deviennent alors leurs maîtres. Mais plus nous avançons dans le récit et moins nous pouvons réellement dire qui possède le plus la place de valet dans cette relation. Il semblerait en tout cas que les humains deviennent de parfaites marionnettes pour les créatures, ce qui laisserait alors penser que les alichino se rapprochent bien plus du démon, ou du vampire, que d’un valet. Nous savons trop peu de choses sur les sceaux, si ce n’est qu’ils attirent les alichinos à eux comme les papillons vont vers la lumière, et qu’ils ont aussi la capacité de les tuer. SHUREI n’aura malheureusement pas eu le temps de développer plus ce qui est l’un des points les plus importants de l’intrigue. Mais c’est là où nous pouvons aussi parler des points négatifs que possède aussi le manga : son côté brouillon et parfois trop rapide. N’oublions pas qu’il s’agit là du premier manga de l’autrice, ce qui peut peut-être expliquer ce problème, mais il faut reconnaître que parfois, noyés dans le trop plein de détails des dessins, nous ne comprenons pas toujours ce qu’il se passe devant nos yeux. Nous pouvons nous perdre dans les dialogues ou les informations données et c’est quelque fois agaçant.
Alichino est l’un de ces titres qui ne connaîtra donc certainement jamais de conclusion et c’est, encore une fois, réellement frustrant quand nous pensons au potentiel que pouvait avoir ce manga ! Même sans fin, il peut être intéressant de le lire, vous en ressortirez frustrés, mais vous aurez lu un manga qui possède un petit quelque chose, au-delà de sa patte visuelle incroyable. (N’hésitez pas à aller jeter un œil aux illustrations du manga qui sont vraiment superbes – le trait de SHUREI peut d’ailleurs rappeler celui des anciens titres de YUKI Kaori.) C’est un titre qui aurait pu être marquant dans l’histoire du manga et aurait peut-être pu devenir une référence dans son registre fantastique s’il avait eu la chance d’être développé jusqu’au bout.